COMMENT GERER UN CONFLIT?

Les conflits entre personnes, qu’ils soient de nature professionnelle ou privée, sont souvent vécus comme une spirale infernale, où les comportements deviennent souvent irrationnels et destructeurs.

Une simple remarque, un regard un peu trop appuyé, une divergence de point de vue peut vite dégénérer en agression verbale, physique et/ou morale.

Vous le savez, l’égo s’emballe toujours assez vite au détriment du mental. Si l’on ne prend pas le recul nécessaire, la situation peut alors très vite s’enlisé dans un conflit frontal ou larvé.

Pour sortir de cette situation de non retour, des solutions existent, encore faut-il les connaitre et les appliquer à bon escient.

1. L’ORIGINE D’UN CONFLIT

Un conflit part toujours d’une insatisfaction, d’une frustration, d’une injustice ou d’une attaque physique. Cette blessure morale et/ou corporelle fait monter l’adrénaline qui se transforme en énergie qui conduit à la colère.

Il existe differents types de conflits:

Le conflit relationnel : mésentente issue d’une relation

-> Qu’attend-on de l’autre ?

Le conflit de procédure : mésentente sur le « Comment »

-> Comment cela doit-être fait ?

Le conflit de tâche : mésentente sur le « Quoi »

-> Qu’est-ce qui doit-être fait ?

Le conflit de statut : mésentente sur le « Qui »

-> Qui est en charge ?

2. COMMENT LES DESACCORDS DEGENERENT EN CONFLIT

Selon pierre Pelissier, formateur et psychanalyste, le chemin vers le conflit suit depuis toujours les 3 mêmes étapes.

1. L’argumentation : Lors d’un désaccord, nous utilisons en premier lieu l’argumentation pour convaincre l’autre qu’il est dans l’erreur.

2. Les menaces : L’argumentation n’ayant pas abouti, pour gagner en puissance de persuasion, les protagonistes vont alors utiliser les menaces.

3. Les attaques personnelles : Comme ni l’un ni l’autre ne souhaitent se soumettre à la menace, on en vient à l’attaque personnelle pour dénigrer non plus les propos de l’autre, mais qui il est.

Le film américain « La guerre des Roses » du réalisateur Danny DeVito, avec Michael Douglas et Kathleen Turner, est un exemple parfait, presque un manuel, de la manière de franchir toutes les étapes.

Dans cette comédie dramatique, Barbara Rose veut divorcer de son mari Oliver. Elle s’efforce de parvenir à un accord à l’amiable, mais le conflit s’envenime autour de la question du partage de la maison familiale.

Le conflit monte ainsi crescendo, chacun restant sur ses positions, jusqu’à ce que les deux protagonistes en viennent à commettre des actes absurdes tels que la destruction délibérée de la dite maison et le développement entre les deux époux d’une haine mutuelle pure et simple.

Au terme de cette folle escalade, les ex-époux gisent mourants dans le hall d’entrée après être tombés avec leur lustre à la suite d’une précédente dispute. Le point de non-retour absolu est ainsi atteint.

3. CE QUI SE PASSE EN NOUS

En cas de conflit, la colère prend l’ascendant sur notre rationalité. Selon l’intensité du conflit, nous pouvons passer par une palette d’émotions qui jouent un rôle primordial dans la gestion de ce conflit. Ainsi, une petite étincelle peut prendre des proportions insoupçonnées pour peu qu’on les laisse prendre le pas sur nous.

Trois réactions possibles :

La fuite : on dépense son énergie dans une activité sans lien avec la colère comme le sport ou une activité artistique.

-> Le risque est de ne pas évacuer l’énergie de cette colère, mais de l’accumuler à l’intérieur de soi.

Le combat : on s’attaque frontalement à l’objet de notre colère.

-> Le risque est d’empirer la situation

La non-réaction : on est tellement submergé par cette énergie que l’on reste tétanisé par la situation.

-> Le risque, c’est qu’une telle attitude augmente le niveau de frustration qui un jour risque de faire exploser de multiples colères. C’est la fameuse goutte qui fait déborder le vase !

4. LE MECANISME DU CONFLIT

– Un conflit survient lorsque 2 personnes veulent être entendues, mais qu’aucun n’écoute ce qu’il se passe pour l’autre.

= 2 expressions +0 écoute = Conflit

– Je n’ai pas le pouvoir de faire que l’autre m’écoute. Par contre j’ai toujours la possibilité d’apporter plus d’écoute dans la relation en faisant le premier pas dans l’écoute.

= 1 expression +1 écoute = Connexion

– Quand l’autre se sent vraiment entendu, il y a davantage de disponibilité pour m’écouter et c’est alors plus simple de co-créer de nouvelles solutions qui conviennent à chacun.

= 2 expressions +2 écoutes = Co Création

Ce mécanisme a été étudié par le consultant en organisation et chercheur en conflit Autrichien Friedrich Glasl, identifie 9 marches et 3 paliers. Comme un escalier qui mène vers l’abîme, chaque marche rapproche les protagonistes d’une issue fatale qui ne pourra être résolue sans aide extérieure.

Si les parties sont conscientes du stade auquel elles se trouvent, elles ont la possibilité d’analyser leur conflit et de mieux réagir au cours de celui-ci. Le modèle d’escalade des conflits selon Glasl est adapté aux conflits entre étudiants, entre conjoints ou aux divorces, aux désaccords dans la vie des affaires jusqu’aux véritables conflits entre États.

Niveau 1 : Gagnant-Gagnant

#Étape 1 : Tension

Les premières tensions sont perceptibles et deviennent conscientes, les différentes opinions se heurtent, les fronts peuvent se durcir et se cramponner. La situation est encore inoffensive, les divergences d’opinions sont monnaie courante et peuvent être résolues par la discussion. Pas encore de formation de camp ou de parti.

#Étape 2 : Débat

Le désaccord devient plus fondamental, les adversaires tentent de convaincre l’autre par des arguments rationnels et sont mis sous pression. Chacun insiste sur son point de vue, la pensée noir et blanche intransigeante et la violence verbale.

#Étape 3 : Des actions plutôt que des mots !

La pression sur le partenaire du conflit augmente, parler ne sert plus à rien, il faut agir ! La communication verbale passe au second plan, les conversations possibles sont frustrées et interrompues sans résultat. L’adversaire est confronté à des faits accomplis. L’empathie pour l’autre fait place à la méfiance et aux attentes négatives, ce qui intensifie encore le conflit.

Niveau 2 : Perdant-Gagnant

#Étape 4 : Coalitions

La première étape, où il ne peut rester qu’un seul vainqueur. Les adversaires cherchent des partisans et des alliés, des partis sont formés et manœuvrés les uns contre les autres. Des campagnes d’image sont lancées et de mauvaises rumeurs sur l’autre partie sont propagées. Il ne s’agit plus de la chose initiale, mais de gagner le conflit.

#Etape 5 : Perte du visage

Les attaques mutuelles commenceront directement et personnellement, des « coups sous la ceinture » immoraux. Partout où vous le pouvez, vous voulez exposer votre adversaire. La perte de la moralité et de la confiance mutuelle va de pair avec la perte de la face. La seule vue de l’adversaire crée des sentiments négatifs, voire du dégoût.

#Étape 6 : Stratégies de lutte contre les menaces

Par le biais de menaces et de contre-menaces, les parties au conflit tentent de prendre le dessus. Une demande est intensifiée par une punition et soutenue par la preuve de la possibilité de la punition (exemple : Un kidnappeur exige de l’argent et menace de tuer sa fille, pour prouver qu’il l’a effectivement en son pouvoir, il envoie un message vidéo). Plus la possibilité de punition est crédible, plus la menace est efficace et plus vite la demande sera satisfaite. Il s’agit de savoir qui a le plus de pouvoir et peut appliquer les pires punitions. Les menaces dégoûtantes des deux camps s’entrechoquent comme des ciseaux, le conflit ne cesse de s’aggraver.

Niveau 3 : Perdant-perdant

#Étape 7 : Destruction limitée

La première étape, où l’on accepte ses propres dommages si seulement les dommages de l’autre sont plus grands. L’humanité est terminée maintenant, toutes les astuces sont utilisées pour nuire à l’adversaire. L’adversaire n’est plus perçu comme un être humain, mais comme une chose sans sentiments. Les valeurs et les vertus sont reléguées au second plan.

#Étape 8 : Annulation totale

L’objectif ultime est l’effondrement du système ennemi. Les combattants du front sont coupés de leurs alliés et de leurs approvisionnements, les fonctions vitales sont attaquées jusqu’à la destruction physique-matérielle, mentale-sociale ou spirituelle.

#Étape 9 : Ensemble dans l’abîme

Il n’y a pas de retour en arrière possible, c’est une confrontation totale entre les deux parties. Si vous pouvez entraîner votre adversaire dans l’abîme avec vous, alors vous sautez. L’autodestruction est acceptée. Les dommages causés à l’environnement ou aux descendants n’empêchent plus les adversaires de se détruire mutuellement.

Les conflits des niveaux 1-3 doivent encore être résolus pacifiquement entre eux, éventuellement quelqu’un intervient en tant que médiateur (par exemple : les parents demandent à leurs enfants de se réconcilier à nouveau).

Au niveau 4, les parties concernées ont besoin d’une aide extérieure pour résoudre leur conflit. Glasl envisage le modèle suivant pour désamorcer le conflit :

Étape 1-3: L’auto-assistance est encore possible

Étape 2-3: Aide par le biais d’amis, de la famille ou d’une modération professionnelle

Étape 3-5: Aide par le biais d’un soutien professionnel externe du processus

Étape 4-6: Aide par le biais d’un soutien externe au processus socio-thérapeutique

Étape 5-7: Aide par la médiation professionnelle externe

Étape 6-8: Assistance par arbitrage volontaire ou obligatoire

Étape 7-9: Aide uniquement possible grâce à une intervention du pouvoir d’en haut.

5. LE CHOIX DE LA MEDIATION

Une médiation ne peut s’envisager que si les adversaires se rendent compte que leur conflit destructeur ne mène à rien et qu’on a besoin de l’autre pour sortir de cette impasse. Encore faut-il que cette prise de conscience ait lieu avant que le conflit n’ait atteint une phase de non-retour.

En effet, tant que les protagonistes se trouvent dans le premier palier, un accord amiable (win-win) reste possible, car la vision de l’autre n’est pas irrémédiablement abîmée. Lors du deuxième palier, le conflit s’est endurci et chaque protagoniste voudra que l’autre y perde quelque chose (win-lose). Une médiation reste possible à ce stade, mais il faudra impérativement créer un cadre de respect mutuel et être patient, car les émotions doivent laisser place à la raison.

1. QUI : Définir le problème

Que s’est-il factuellement passé ? Le problème doit être spécifique, clair et précis . Il faut mettre l’accent sur un seul problème à la fois.

2. POURQUOI : Quel est l’objet fondamental du conflit

Qu’est-ce qui était important pour chacun des 2 protagonistes.

3. Phase de déblocage : Les protagonistes expriment leur ressenti.

Chacun des protagonistes exprime leurs attentes et besoins vis-à-vis de la solution.

4. Et si.. : Trouver des solutions possibles et acceptables pour les 2 protagonistes

Envisager toutes les options possibles pour résoudre le problème. Faire preuve de créativité pour trouver de nouvelles solutions

5. Evaluer les solutions trouvées

Pourquoi les solutions vont bien fonctionner ? Pourquoi les solutions ne vont pas fonctionner ? Les solutions sont-elles justes pour tout le monde ?

6. Choisir en concertation une solution ensemble

Choisir parmi les solutions celle qui parait plus efficace. Tout le monde doit être d’accord.

7. Résoudre le problème

Les protagonistes s’engagent à utiliser la solution choisie ainsi qu’à revoir les options si  elle ne fonctionne pas.

À UN CERTAIN NIVEAU, LES CONFLITS NE PEUVENT PLUS ÊTRE RÉSOLUS SANS AIDE EXTÉRIEURE

Dans le cas où les protagonistes arriveraient dans le troisième palier, aucun accord ne peut alors être envisagé. Mieux vaut donc ne pas semer le vent pour récolter la tempête.

6. POUR EVITER D’EN ARRIVER LÀ

Connaitre ces étapes pour se voir agir permet d’augmenter notre capacité de choisir d’autres voies si on le souhaite et faire autrement.

Voici quelques alternatives pour transformer un désaccord et éviter qu’il ne dégénère en conflit :

Etre au clair avec son intention : avoir raison ou être en paix

Eviter de contre argumenter, contre menacer, contre insulter

Ecouter et se relier à ce qui anime chacun derrière ses mots

Reformuler pour soutenir la connexion

Partager ce qui nous anime une fois que l’autre se sent entendu

Inclure l’autre et ses besoins dans la recherche de solution ou d’accord

Demander du soutien à un tiers quand nous sommes à notre limite

Ne vous y trompez pas, les conflits et rapports de force ne font que des perdants. Même si en apparence l’un l’emporte sur l’autre, tôt ou tard l’autre frustré se vengera. Ce qui est obtenu par la force contient en soi la graine d’une future défaite.

La victoire obtenue par la violence équivaut à une défaite, car elle est momentanée.

Ghandi